Un virologique triple (Invoquer le Futur)
DÉCOLONISER LE FUTUR. CARNETS DE CONFINEMENT, feuillet #11.
Depuis un centre de névrose unique, une infection s’est développée avec une vélocité telle que très vite, il n’y eut plus un coin de la planète qui n’en fut contaminé. Je parle du capitalisme bien sûr.
Mais nous savons maintenant que c’est aussi dans le lit des violences faites au naturel par la métropolisation libérale, à la faveur de l’arasement de dispositifs communaux jugés non rentables et au gré des circuits marchands que les virus se forment, s’établissent et se propagent… L’une et l’autre pandémies entretiennent identité de méthode aussi par l’incohérence insinuée dans les systèmes dont elles perturbent les structures traditionnelles sociales et économiques organiques.
Ce n’est pas tout encore du viral.
Immiscée, subreptice, colon…, il se propose, le viral, presque plus stimulant à penser désormais (moins complexe en réalité cependant !) dans le cyber-système techno-industriel. L’âge informatique met par là le futur sous tension d’une impérialité inédite — totale — dont le centre est la Silicon Valley mais distribué en nos poches à chacun et dont le danger est en son potentiel d’accomplissement d’un projet d’annihilation des contraintes du réel inhérent au capitalisme.
Cette viralité triple qui à la notion de réification offre désormais sa traduction la plus achevée est désignée ici : “colonat”. Son premier mouvement est l’aboutissement envisagé en cul de sac d’un double processus : Celui par lequel le libéralisme se trouvant las de l’effort de transformer les Etats en entreprises, accède à la conscience qu’elle peut tout aussi bien désormais et plus vite en somme, transformer les entreprises en Etats… Et celui concomitant par lequel la technique cesse de voir dans le social le parangon au service duquel se mettre mais s’envisage dorénavant en pis-aller valable à celui-ci. Cette double arrogance en concrétisation, nourrie d’un pouvoir perçu sans limite aux technosciences du digital et à leur réticularité, est cristallisée du côté de la ville.
Voici trois niveaux du “virus” étonnement enchâssés ! Autant que le pourraient idéalement et de façon apaisée (c’est la thèse de ce ouvrage) : biosphérique, structures sociales et pratiques digitales s’ils étaient laissés libres… Aussi le technique prend-t-il la courbe de fusionner avec le monde. C’est la logique d’innovation de la Silicon Valley qui l’en dévie d’un esprit incapable de se déprendre des errements de la raison bourgeoise occidentale.
Mais cet extrémisme logicien, en ce qu’il s’avise urgemment que son destin est urbain, a rendez-vous avec l’Afrique ! Que fait et dit la crise de la contagion de ce déterminisme ?
Dans la raison computationnelle en construction, l’inextricabilité du projeté et du concret et leur dialectique esquissent un futur colonisé et colon. Une “occupation” inédite à tout point d’appui du réel qui est le niveau le plus avancé jamais atteint de l’éloignement de la réalité Monde. Cette contrainte de la liberté dont procède le réel par un amoindrissement est la vraie définition à donner au terme de “réification” incroyablement brouillé au cœur de la situation virale. La colonie numérique ce n’est pas seulement chacun de nous forcé d’offrir pour gratuit son attention et territoire singulier d’extraction en flux continu de nouvelles matérialités pour nourrir le système du marché désormais établi logiciel du monde. Le colonialisme à venir donc a à avoir avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication : en vrai, avec leur sous-exploitation coupable et leur détournement. Car nous avancerons le postulat que les cycles fous technologies d’aujourd’hui sont singulièrement travaillés du principe du monde et qu’ils épousent « par nature » le Monde ! C’est la conscience bourgeoise occidentale qui les en divorce.
Or donc le Monde est émancipation… Il infuse cela des technosciences mêmes qui ne s’en éloignent que par promotion de cette politique du technolibéral dite “innovation”. La pensée déployée ici offre des perspectives qui servent d’abord se situer dans ce temps vertigineux et de concevoir -depuis l’Afrique ?- le nécessaire et sain refus de la restriction dont peut être le fondement apparaîtra un programme de retour au Monde. Ainsi de toutes façons, quand on l’aura provoqué, de commencer d’imprimer une forme apaisée au futur. Et pour atteindre la liberté à travers la contrainte de tanguer, enfin d’embrasser en conscience et trouver le rythme d’épouser ce déchaînement dont le fondement est “naturel”. Cela balise un chemin d’hybridation : la superposition de syntaxes naturels (cosmobiologiques), sociales et digitales.