Luba : Régalia & sublimation de la figure de la femme
ESTHÉTIQUES DU FÉMININ #5.
La sculpture luba est étroitement rattachée aux institutions politiques. Et parce que les Baluba constituent une des populations les plus importantes de l’Afrique du sud du Sahara, on s’attend à ce qu’elle réponde aux catégories de ces « arts de cour » normés à l’excès et dont les zones à forte concentration humaine sont généralement le berceau. Ce qu’elle fait, mais avec une intelligence déroutante puisqu’elle donne à lire et manifeste, en y restant enclos, une réelle capacité à réinterpréter les éléments du canon. Ce qui questionnera cependant, au premier abord, l’observateur, c’est le fait que cet art officiel ait principalement figure féminine. Le monde luba est porté par le « Bulohwe », le pouvoir sacré qui concentre confusément le politique, le juridique et le religieux . Ce concept-force qui n’est pas dissociable du sang impérial garanti la légitimé de la descendance du héros mythique Mbidyi Kiluwe(premier détenteur de la force), l’autorité des vassaux auxquels le Bul ohw e se trouve être délégué et l’unité du Buluba (pays des Baluba). Les sculpteurs qui, la chose mérite d’être notée, font partie du « Conseil des princes », ont la haute responsabilité d’en décliner les insignes, investis lors des sacres et disséminés dans tout l’empire en autant de témoignages d’un seul et unique testament.De fait, bâtons de commandement, portes flèches, figures à coupe, trônes sacrés, appui-tête, et autre figures d’ancêtres se feront les objets d’ ostentation du pouvoir que confère le Bulohwe. Du lot, sièges à cariatides (Kihona) et porteuses de coupes (Mboko)retiennent l’attention. Ces objets ont en effet la particularité de n’être destinés à aucune fonction d’usage ni à l’appréhension. Ils sont un « être là » qui se suffit. Le rapport en paraît muséographique dans ses atours de la dissuasion, la dévotion, le témoignage, le testament… Donc des objets de la monstration à part entière dont les personnages exclusivement féminins constituent l’élémentprincipal. Assis, accroupis, à genoux, debout, ou dans une position intermédiaire, droites ou courbes ces femmes qui portent ou le séant du souverain ou le réceptacle du plus saint, donnent toujours l’impression d’une occupation intérieure intense. Elles trahiront aussi, bien souvent, par leur raffinement extrême, le soin porté au détail, ce poli lustré ou au contraire par un cisèlement libre et quasi-regimbent, l’ouvrage passionné d’un obscur artiste possédé à la fois par la loi et par les mystérieux élans de l’acte de création.
Toujours elles paraîtront absentes telle la célèbre Mboko agenouillée du Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervuren (Liège) gentiment surnommée « Kabila la mendiante ». Une nomenclatura, à bien des égards bancale puisqu’il s’avère, et c’est le point saillant de notre étude, qu’il n’y a dans la posture de cette figure féminine et de toutes les autres figurations de femmes chargée ou porteuses, aucun renvoi à l’indigence ou à la soumission. Le recours à la pensée et au récit des origines luba suffit à le saisir.
Au débouché du mythe, la loi dit que depuis le premier transfert de Mbidyi Kiluwe, à son fils K alala Ilunga (premier roi -magicien fondateur en 1585 de l’empire luba) la Force se transmet exclusivement « par la voix des femmes ». Elles se font ainsi porteuses et passeuses du principe spirituel qui raidit la la société. Souvent, on assimilera ce personnage de femme porteuse à la figure tutélaire et maternelle de Kamania, l’ancêtre mythique. On comprendra pour d’autres raisons comme le fait qu’une dynastie de femmes ait présidé à la genèse du monde luba, qu’elles siègent à un niveau extrême d’autorité et de dévotion dans la production de signes.
Nous sommes donc bien loin ici de l’histoire, et telle que la restitue l’architecture grecque, des habitantes de l’antique Caryes qui est bien elle, un témoignage de damnation et de servitude. C’est pourquoi pas u n soupçon d’effort n’est discernable dans la mine de ces cariatides luba. Sauf le calme et le serein que concèdent la connivence d’avec les choses profondes et secrètes, les cataclysmes intérieurs de la naissance de la vie et de la mort des mondes. Le génie de la tradition sculpturale luba est d’avoir su faire des femmes tu es dans un inatteignable qui n’est somme toute que la marque du mythe et du beau. Car enfin ces figures portent le mythe et la beauté.
Et on se retrouve arrimé au double sentiment que, dans la pensée luba, la femme est au centre de l’idéal esthétique (en ce qu’elle est chargée d’éthique et de politique) et que les insignes de pouvoir traduisent un idéal esthétique féminin rigoureusement luba.
Gossiaux : « Cet idéal,dont les critères demeurent partiellement inconscient, nous le connaissons par les traits que dégagé l’observation des pièces classiques (…). Pour le corps de la femme, les seins tombant, tronconiques, la taille cambrées, la proéminence du ventre, les cuisses puissantes, sans compter des traits culturels tels les tatouages, l’épilation du pubis, l’élongation des la baie, etc. En fait le corps est un véritable champ de signes dont nul n’est indifférent… »
Stylistique et symbolique, les fins et moyens
Il n’y a généralement dans la pratique auguste de la production d’objets de pouvoir d’une société de tradition, guère de place pour l‘anecdote. Tout est motif à fixer la loi. S’il s’agit pour le lecteur de posséder les codes pour délier l’écheveau de symbol es et échapper à l’errance que peut provoquer le seul abandon à la contemplation, l’auteur lui a l’obligation de faire œuvre de bonne cuisine pour exister artistiquement dans le cadre de contraintes qu’une tradition plusieurs fois séculaire a définitivement fixées. Ici on se trouvera rarement pris entre les feux croisés du sensible et du sens puisque le plus grand mérite de l’artiste luba, et nous gageons que c’est là ce quoi veut tendre toute la production du continent, c’est d’avoir atteint le point d’indistinction. Tout ce qui participe du sensible et dont le sentiment dominant est celui d’un corps offert sert aussi la loi. A quel point le symbolique transpire de tous ces corps de femmes ? Il ne s’agira pas par exemple d’avoir une lecture objective de la posture pas très confortable de la cariatide qui se présentera assise à même le socle d’un tabouret royal. Quand ce tabouret est celui d’un simple vassal il se pourrait la figuration d’une femme « demandant à Dieu d’ être féconde, dans l’ attitude rituelle de l’ oraison ». Quand le tabouret est celui d’un chef sacré du Bulohwe, c’est une verticalité qui est suggérée. Le sexe qui en contact avec le sol y puise une énergie qui est transmise directement au roi, lui même en relation de par son statut, avec les hauteurs. La cariatide fait ainsi le lien entre terre et ciel… mais pas seulement. Le cylindre qu’elle porte sur a tête et qui la relie au plateau est Msuku, c’est-à-dire cordon ombilical et le plateau lui -même est Difu (ventre). Ainsi le réseau de courbes qui fait cette verticalité matérialise selon G ossiaux: « les liens qui unissent les ancêtres au prince ». « Dans sa dimension verticale ou diachronique, le trône est perçu comme une parcelle de l’univers chtonien, celui des esprits et des morts. Il affirme la réalité de l’ascendance sacrée du prince, les liens qui l’unissent aux ancêtres fondateurs du clan — détenteurs ultimes de la terre (…). Grâce au kihona, le pouvoir politique et judiciaire réinvestit l’ordre du sacré. ». Se axe de double d’un autre, l’axe des rectilignes constituant une horizontalité qui sert l’unité de l’espace dans ce sens où le siège a fonction de : « renforcer le réseau des rapports unissant ce dernier (le roi ) à ses vassaux et à ses sujets.» On obtient une hiérarchisation double en ce qu’elle sert la préoccupation de faire une unité temporelle (chronologique) et une unité spatiale (synchronique). Cette double composition transpire aussi du canon luba qui est représentatif d’un ensemble de lignes courbes évoquant : douceur, élégance et sensualité qui cohabitent avec les lignes droites requises pour la coiffure et les membres, véritables éléments d’architecture. Il n’y a généralement dans la pratique auguste de la production d’objets de pouvoir d’une société de tradition, guère de place pour l‘anecdote. Tout est motif à fixer la loi. S’il s’agit pour le lecteur de posséder les codes pour délier l’écheveau de symboles et échapper à l’errance que peut provoquer le seul abandon à la contemplation, l’auteur lui a l’obligation de faire œuvre de bonne cuisine pour exister artistiquement dans le cadre de contraintes qu’une tradition plusieurs fois séculaire a définitivement fixées.Ici on se trouvera rarement pris entre les feux croisés du sensible et du sens puisque le plus grand mérite de l’artiste luba, et nous gageons que c’est là ce quoi veut tendre toute la production du continent, c’est d’avoir atteint le point d’indistinction. Tout ce qui participe du sensible et dont le sentiment dominant est celui d’un corps offert sert aussi la loi. A quel point le symbolique transpire de tous ces corps de femmes ? Il ne s’agira pas par exemple d’avoir une lecture objective de la posture pas très confortable de la cariatide qui se présentera assise à même le socle d’un tabouret royal. Quand ce tabouret est celui d’un simple vassal il se pourrait la figuration d’une femme « demandant à Dieu d’ être féconde, dans l’ attitude rituelle de l’ oraison ». Quand le tabouret est celui d’un chef sacré du Bulohwe, c’est une verticalité qui est suggérée. Le sexe qui en contact avec le sol y puise une énergie qui est transmise directement au roi, lui même en relation de par son statut, avec les hauteurs. La cariatide fait ainsi le lien entre terre ciel… mais pas seulement. Le cylindre qu’elle porte sur la tête et qui la relie au plateau est Msuku, c’est-à-dire cordon ombilical et le plateau lui -même est Difu (ventre). Ainsi le réseau de courbes qui fait cette verticalité matérialise selon Gossiaux: « les liens qui unissent les ancêtres au prince ». « Dans sa dimension verticale ou diachronique, le trône est perçu comme une parcelle de l’univers chtonien, celui des esprits et des morts. Il affirme la réalité de l’ascendance sacrée du prince, les liens qui l’unissent aux ancêtres fondateurs du clan — détenteurs ultimes de la terre (…). Grâce au kihona, le pouvoir politique et judiciaire réinvestit l’ordre du sacré. ». Se axe de double d’un autre, l’axe des rectilignes constituant une horizontalité qui sert l’unité de l’espace dans ce sens où le siège a fonction de : « renforcer le réseau des rapports unissant ce dernier (le roi ) à ses vassaux et à ses sujets.» On obtient une hiérarchisation double en ce qu’elle sert la préoccupation de faire une unité temporelle (chronologique) et une unité spatiale (synchronique).
Cette double composition transpire aussi du canon luba qui est représentatif d’un ensemble de lignes courbes évoquant : douceur, élégance et sensualité qui cohabitent avec les lignes droites requises pour la coiffure et les membres, véritables éléments d’architecture.
Parmi les constantes de cette esthétique particulière de la dualité et du corps féminin on retiendra :
Tout ce qui participe du “ corps offert “ et du trouble qu’il induit chez l’observateur: gestes et postures séduisantes, un visage arrondi montrant des yeux habituellement baissés, un nez à arête douce, une bouche aux lèvres pulpeuses scellées. Fécondité, volupté, générosité, érotisme, sensualité sont les slogans que scande la statuaire luba.
La composition repose sur un contraste nous l’avons dit. On a un équilibre basé sur l ‘ opposition . Le sexe, les seins, les fesses, le nombril sont structurés et rythmés et se contrebalancent capricieusement alors que les éléments de charpente que constitue nt le bras et les mains sont rigoureusement dimensionnés. La sensualité obtenue par le traitement arrondi des formes, les volumes pleins et harmonieux répond à la stylisation dans un esprit plus géométrique des membres, sans qu’il naisse un sentiment de rupture brutale entre les différentes parties du corps. Aucune expression véritable, comme plongées dans un demi — sommeil et toujours cette grande sérénité qui répète que la figure porte sa charge sans effort. Coiffure. Rejetés dans le dos les cheveux sont d’une construction sophistiquée et très hiérarchisée qui participe de la sublimation de la beauté féminine tout en stoppant net la douceur et le calme du visage.
Le contraste est aussi tactile. Le corps en ébullition de ces objets monoxyles que sont les porteuses et les cariatides est une invite au toucher. Un traitement des motifs de scarification non pas comme des éléments corporels mais carrément formels (ils font partie de l’anatomie et participent de l’harmonie du tout). Ce langage corporel ne concerne, chez les Luba comme généralement chez d’autres populations africaines, que le haut du corps. L’absence de marque en partie inférieure est couplée avec cette tradition plastique qui consiste en une sorte de déni complet des jambes. Elles sont très schématiques ou complètement repliées sous le personnage épousant la courbure du socle des kihona. Il semblerait, toujours selon Gossiaux que le ventre soit terrain de divination. Le rouge de l’huile et le banc du kaolin y faisaient dessins qui pouvaient dire le destin d’un prince.
Buli et la question du style
Lorsque Mbuli Songa, Prince de Buli fit, allégeance au Bulohwe, il acquit par la même occasion le droit d’en détenir les attributs que sont le Mboko et le Kihona. Les formes que peuvent prendre ceux -ci dans la tradition de Buli étonnent cependant.
Il semblerait que l’inféodation au pouvoir impérial fusse de façade et que ce royaume était un véritable Etat indépendant à l ’intérieur du Baluba. De bout en bout, Buli s’y avère un trou d’air dans le Baluba. Retranché derrière des barrières naturelles infranchissables la principauté développa un art de la statuaire qui se permet quelques libertés avec le canon classique Luba-Hemba-kunda .
L’exemple le plus emblématique de cette subversion étant le style dit du « maître de Buli ».
La découverte en 1946 du « du maître », initia un des moments les plus fécond dans l’historiographie de l’art africain en posant quelques brûlantes question à l’esthétique, à l’ethnologie. Pour la première fois le « volontariat » dans les effets affichés était dévoilé et pour utiliser le terme de Leiris, la thèse de «l’individualité » d’un artiste africain était avancée. L’étude stylistique s’en trouve grandie et dans la foulée un nombre impressionnant d’autres « sous styles « furent isolés et répertoriés dans tout le Baluba notamment grâce aux travaux d’Olbrechts , Fagg, Plass, Bassani du Père Neyt. Si la dispute sur les raison qui pourraient expliquer la flagrante tentation de renouveler le style dominant, manifeste dans « le style du maître », sont loin d’êtres éteintes, on s’accorde aujourd’hui à reconnaître que ce soit « du » ou « des » maîtres de Buli, de Ngongo Ya Chintu (« le grand léopard-le père des choses sculptées »), d’une école, d’un atelier ou d’une tradition de famille ce style particulier transcende l’aliénation à une « faire-réflexe ».
Dans la panoplie par délégation du roi, le Mboko et le bihona vu par le maître de Buli, présentent d’intéressantes spécificités qui ne manquèrent d’attirer l’attention des collectionneurs.
Ici tout se relève. La porteuse de coupe sera plutôt accroupie qu’assise. La cariatide elle-même est mise debout. Sa tête est atrophiée. Les trait du visage, élément le plus emblématique du ciseau du « maître de », sont anguleux à l’excès ce qui vaut aussi à ce sous style l’appellation de « sous style à face allongée de buli ». Souvent jetées en avant — ces femmes peut être devrions nous dire : cette femme — au labiae en bec, ne tient pas le plateau mais le porte négligemment sur les doigts de mains dont les paumes sont offertes à l’appréciation frontale. Le sybaritisme qui fait l’attrait luba est admirablement remis en question. En ceci surtout que par on ne sait quel effet plastique (peut-être ces sourcils relevés sur ce grand front), les personnages ont l’air plus intensément pris dans la méditation, qu’ils sont par la posture, comme suspendus dans quelque attente, contenus mais prêts à exploser sur des ressorts intérieurs mais aussi dynamiques. De fait l’esthétique du corps est plus musculeux, le cou en particulier sera plus puissant chez buli.
Sa science des articulations finit de nous convaincre que dans la seconde qui arrive, Kamani a va se mettre en marche. Tout ceci, qui fait certes le génie du « maître de buli », mais révèle aussi le potentiel du champs des possibles dans l’incorporation de l’art luba qui est d’abord un réseau de codes-fils que peut mailler dans un sens ou un autre la pensée et tradition luba, son principe organisateur et son éthique. Et on reste comptable à la femme vue par « de Buli », de participer sinon de l’introduction l’esthétique (du moins sa question) dans l’art africain, de l’introduction l’art africain (ou du moins sa question) dans l‘esthétique.
Buli et la question du style
Lorsque Mbuli Songa, Prince de Buli fit, allégeance au Bulohwe, il acquit par la même occasion le droit d’en détenir les attributs que sont le Mboko et le Kihona. Les formes que peuvent prendre ceux-ci dans la tradition de Buli étonnent cependant.
Il semblerait que l’inféodation au pouvoir impérial fusse de façade et que ce royaume était un véritable État indépendant à l ’intérieur du Baluba. De bout en bout, Buli s’y avère un trou d’air dans le Baluba. Retranché derrière des barrières naturelles infranchissables la principauté développa un art de la statuaire qui se permet quelques libertés avec le canon classique Luba-Hemba-kunda .
L’exemple le plus emblématique de cette subversion étant le style dit du « maître de Buli ».
La découverte en 1946 du « du maître », initia un des moments les plus fécond dans l’historiographie de l’art africain en posant quelques brûlantes question à l’esthétique, à l’ethnologie. Pour la première fois le « volontariat » dans les effets affichés était dévoilé et pour utiliser le terme de Leiris, la thèse de « l’individualité » d’un artiste africain était avancée. L’étude stylistique s’en trouve grandie et dans la foulée un nombre impressionnant d’autres « sous styles « furent isolés et répertoriés dans tout le Baluba notamment grâce aux travaux d’Olbrechts , Fagg, Plass, Bassani du Père Neyt. Si la dispute sur les raison qui pourraient expliquer la flagrante tentation de renouveler le style dominant, manifeste dans « le style du maître », sont loin d’êtres éteintes, on s’accorde aujourd’hui à reconnaître que ce soit « du » ou « des » maîtres de Buli, de Ngongo Ya Chintu (« le grand léopard-le père des choses sculptées »), d’une école, d’un atelier ou d’une tradition de famille ce style particulier transcende l’aliénation à une « faire-réflexe ».
Dans la panoplie par délégation du roi, le Mboko et le bihona vu par le maître de Buli, présentent d’intéressantes spécificités qui ne manquèrent d’attirer l’attention des collectionneurs.
Ici tout se relève. La porteuse de coupe sera plutôt accroupie qu’assise. La cariatide elle-même est mise debout. Sa tête est atrophiée. Les trait du visage, élément le plus emblématique du ciseau du « maître de », sont anguleux à l’excès ce qui vaut aussi à ce sous style l’appellation de « sous style à face allongée de buli ». Souvent jetées en avant — ces femmes peut être devrions nous dire : cette femme — au labiae en bec, ne tient pas le plateau mais le porte négligemment sur les doigts de mains dont les paumes sont offertes à l’appréciation frontale. Le sybaritisme qui fait l’attrait luba est admirablement remis en question. En ceci surtout que par on ne sait quel effet plastique (peut-être ces sourcils relevés sur ce grand front), les personnages ont l’air plus intensément pris dans la méditation, qu’ils sont par la posture, comme suspendus dans quelque attente, contenus mais prêts à exploser sur des ressorts intérieurs mais aussi dynamiques. De fait l’esthétique du corps est plus musculeux, le cou en particulier sera plus puissant chez buli.
Sa science des articulations finit de nous convaincre que dans la seconde qui arrive, Kamani a va se mettre en marche. Tout ceci, qui fait certes le génie du « maître de buli », mais révèle aussi le potentiel du champs des possibles dans l’incorporation de l’art luba qui est d’abord un réseau de codes-fils que peut mailler dans un sens ou un autre la pensée et tradition luba, son principe organisateur et son éthique. Et on reste comptable à la femme vue par « de Buli », de participer sinon de l’introduction l’esthétique (du moins sa question) dans l’art africain, de l’introduction l’art africain (ou du moins sa question) dans l‘esthétique.
Elles seront chevaucheuses d’antilopes parées de perles bleues, blanches ou vertes. Que, pareillement, leur monture le soit aussi, illustre le mythe et ce qu’il a de plus important : les choses de la sympathie c’est-à-dire l’intimité et l’unité. Qu’on les croit pasteur d’un troupeau de vidyi es, Qu’elles soient coiffées « en cascade », ou en « calotte », le tout quelquefois surmonté d’une corne d’antilope à charge magique ou d’un trident porte flèches, qu’elles vomissent des lames de hache ou qu’elles se tiennent, comme dans un présomptueux acte d’allaitement de la société, les deux seins, les figures féminines disent le sacré et le rapport luba au sacré. Et ils sont tous deux féminins.
(Texte de Jeunesse; première publication : 2006)