La vieille bobine.

Sénamé Koffi A.
15 min readSep 23, 2021

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J’ai fait, comme on purge une peine, ma bohème, solitaire...

Melvin Van Peeble ce fut un tout autre Paris. La dernière bohème : turbulente, jazzy, BDeuse, télévisuelle, forcément bête et méchante ! Ils ne pouvaient immaginer que le parisianisme et la civilisation mediatique naissante était là, avec eux, en train d’éteindre définitivement la liberté…

J’ai rencontré MVP début 2009 — L’appel de la flamme à nouveau...- Au prétexte d’une interview.

Une femme, une blonde à l’hystérie très contenue était son garde du corps. Elle semblait sous la menance à tout moment d’être déchirée littéralement par cet incroyable contrôle ! Elle vous rassurait du regard que ce n’était pas son genre.

Melvin venait de commettre Ex-doofus-Itchyfooted Mutha… Je n’ai pas, c’est surprenant, entendu dire qu’il ait fait quoi que ce soit d’autre après. Je l’aurai, pour ainsi dire, croisé, dix ans avant sa mort, au clap de fin déjà.

Il s’amena hirsute, dégingandé, la stature taillée dans l’ébène du vieux pirate... Engoncé, de toute éternité, dans un sweet à capuche doublé d’un pardock, cigare calé en bec. Quelques tatouages… Les raisins ternes (dont l’un pratiquement mort, on peut sans craindre le dire maintenant) qui lui font le regard passablement blasé de ceux qui en ont trop vu.

Donc j’étais devant le premier réalisateur noir à Hollywood. Père du cinema indépendant !

Ce perroquet là, je vous dis, n’a que quelques mots dans son vocabulaire : « sueur », « sperme », « sang », … accessoirement : « révolution ! » Quand il émerge de son inextinguible silence, c’est pour ratiociner : « Sueur ! Sperme ! Sang ! Révolution !! » Et s’il lance « Action ! » comme on crie « A l’abordage ! » c’est que pour lui, c’est tout un.

Une vieille bobine pour sûr…

Mais dans les deux sens du terme. On croit avoir tout dit une fois qu’on a présenté l’auteur de ‘ Sweet Sweetback’s Baadasssss Song’ — ce sordide monument du cinéma afro, pionnier de ce qu’on a appelé ‘ Blaxploitation ’ (le genre « for & by Blacks » des années 70)- comme une légende vivante du cinéma, en rupture d’avec le vampirisme hollywoodien.

De fait, on manque alors de témoigner que la vie même de Melvin Van Peebles est un film.

L’histoire aurait pu se satisfaire de retenir de ce débrouillard, né le 21 Août 1932 dans un ghetto de Chicago, qu’il fut l’un des tout premiers Africain-américains gradés de l’US Air Force. Démobilisé alors qu’il se trouve en Corée, Melvin n’a guère envie de retrouver l’Amérique du crack, du Klan, de la si sourde brutalité policière, quotidien des hommes de couleurs.

Après avoir vaillamment défendu celles du drapeau, c’est une perspective à laquelle, il a naturelement du mal à se résoudre. Choisissant d’établir entre lui et Tonton Sam, le plus de distance possible, il fait une escapade au Mexique, où semble t-il, il s’initie à la peinture. Entre deux portraits, Melvin fait un ti-Van Peebles !

Retour aux Etats Unis. Le militaire devient conducteur de tramway. Une expérience dont il tire un premier livre en 1957: ‘The Big Heart’ (où il se met en projet d’expliquer aux enfants comment fonctionne le tram: « A cable car is a big heart with people for blood. The people pump on and off — if you think of it like that it is pretty simple »).

Un jour, un passager aux allures d’Ange Gabriel, lui suggère de s’essayer au cinéma. Il prend l’inconnu au mot, bricole en dilettante trois courts métrages et se pointe à Hollywood, ses bobines sous le bras. On lui propose un job de liftier (garçon d’ascenseur), puis de danseur (sic !). Il comprend qu’il n’adviendra rien de lui, dans ce pays où le cycle des convulsions et des illusions semble si bien rodé. En attendant la révolution, il ira voir ailleurs.

Il entame un nouvel exil volontaire, non pas sans avoir négligemment confié ses pellicules à un loueur de films de New York.

Se faisant passer pour un Hollandais (patronyme aidant), il obtient un visa pour les Pays-Bas, où il débarque pour des études de Mathématiques et d’Astronomie. Il eut sans doute fini grand mathématicien, si un certain autre talent ne le rattrapa, sous la forme d’un courrier portant tampon du pays du Dumas. Par on ne sait quel jeu du sort, ses films ont atterri dans un festival français et depuis, là bas, quelques connaisseurs — on cite des noms comme Meerson, Langlois, Rouch (excusez de peu)- remuent ciel et terre pour en retrouver le « génial » auteur. On lui signifie clairement dans cette étrange missive qu’il a quelque chose à apporter au cinéma. Il le croit volontiers et plie une nouvelle fois bagages. Melvin est mousquetaire dans l’âme.

Paris est, rappelons-le, depuis Harlem Renaissance et depuis que dans l’euphorie de la libération, les soldats noirs-américains ont festoyé sans autre forme de discrimination partout en France (et qu’on chuchote encore dans Harlem que des françaises leur tombaient à foison dans les bras). Paris donc est, depuis le jazz — cette musique dont les Français parlent mieux que les Noirs même — la base arrière de l’art et de l’activisme afro-américains. Recréant une atmosphère digne de celle du 18ème où St Georges, les Dumas père et fils et autres Guillon-Lethière, ces grands Blacks, leur cour, mousquetaires-dandys, peintres, écrivains et musiciens tous incorrigiblement dandys, entretenaient l’émulation culturelle de la capitale, écumant les tavernes, criant jusqu’à tard et guerroyant volontiers dans ses rues. Paris, enfin, capitale de l’International Noir avec le Congrès de 1956. Paris donc et son intelligencia, déroulent un tapis rouge aux Noirs-américains, se fait le portevoix de leurs revendications.

Paris, ah, Paris !

On met ainsi ici un point d’honneur à dénoncer le racisme et l’impérialisme américain, alors même qu’au seuil des indépendances, s’organise dans le plus grand silence, sournoisement et savamment la perpétuation de la domination française et l’exploitation des peuples africains, là bas sur le continent. C’est d’une hypocrisie bien française, qui veut qu’on indexe, mais des dix doigts le grand frère américain, pour éviter qu’il en reste un seul pour virer la poutre qu’on a dans l’œil ! Mais cela est un autre film…

Melvin, donc, fait une nouvelle fois ses bagages, sensible à l’appel de la Médiathèque Française. Dans Paname, où il arrive en 1960, il est très vite réduit à faire la manche. On dit qu’il tâte beaucoup et merveilleusement la gratte et qu’il fait un assez bon mendiant. Certainement qu’il eut fini un de ces vrais génies du bitume vite oubliés. Mais de la proximité de la rue, qui en fait un témoin privilégié, il est décidé à tirer autre chose… En attendant bien sûr de faire très bientôt du cinéma. Il couvre un obscur fait-divers et propose le papier à France Observateur (futur Nouvel Obs) qui lui répond tout de suite par un contrat.

Il y a à l’époque, un autre expatrié afro-américain à Paris ; tout juste lauréat du Prix de la Littérature Policière pour sa ‘Reine des pommes’ (Rage in Harlem, 1958). Quand l’Observateur arrive à obtenir une interview de cet écrivain dont Sartre dit le plus grand bien, c’est tout naturellement Melvin Van Peebles qui est dépêché.

Chester Himes, le parrain noir…

Cela ne s’invente pas ! MVP rencontre l’enfant terrible de la Littérature américaine, à Paris. On n’en a pas assez dit sur l’influence qu’eut une certaine littérature de paria sur le phénomène Blaxploitation. Cette littérature de la marge et largement marginalisée dont Himes est la figure de prou- mais qui eut d’autres géants tels que Clarence Cooper, Charles Perry, Iceberg Slim, tous ex- taulards arrivés aux lettres par ennui, en prison- a nourrit les scénarios de la Blax.

D’ailleurs on peut considérer que la véritable première œuvre Blax est cette adaptation par Ossie Davis en 1970 d’une nouvelle de Himes : Cotton Comes to Harlem’ (où l’auteur ose une parodie des Blacks Muslims et autres nationalistes noirs, et où on retrouvait son célèbre duo d’inspecteurs, Ed Cercueil et Fossoyeur Jones, dans une de leurs croisades au cœur de Harlem, le « cancer de l’Amérique »). Si la paternité non assumée de la Blaxploitation est attribuée à Melvin Van Peebles, Chester Himes, lui, en est le parrain incontestable.

La rencontre de Paris fut certainement un moment clef dans l’histoire du genre. Il semblerait que les deux hommes se plurent tout de suite.

Pourfendeur du racisme, partisan du retour en Afrique, mais sans aucune chapelle, les opinions de Himes sont pour séduire MVP. Mais c’est surtout les concordances de parcours qui les rapprochent. Chester doit à un emploi de liftier et à une chute, un jour, dans l’ascenseur vide, un handicap qu’il traine depuis ses 19. Comme Melvin, il a convoyé en première noce avec une femme blanche et cela a mis la problématique du métissage au cœur de sa réflexion. Lui aussi a vu ses premières œuvres boudées par la critique américaine et il a, pareil, payé son juste tribu de la galère en France.

Quand on demande à Melvin VP, ce que Himes lui a apporté, il répond : « Ben, moi j’étais toujours assez fauché et, plusieurs fois, il m’a payé des repas ! Il m’a invité à dîner… » Le même humour acide aussi. En fait, il nait une telle complicité entre ces deux là, que, de l’aveu même de Melvin, cela lui valu quelques foudres de Mme Himes.

Parisien depuis 1953, Chester est depuis peu une star en France, égérie de la collection Série Noire chez Gallimard. Quelque tabloïds lui font alors d’indécents appels du pied. Hara-kiri en est. Mais lui, dont tous les romans sortent d’abord en Français, n’en parle pas un mot. Il promet au journal satyrique de leur présenter « quelqu’un d’aussi fou que lui ».

Dans, ‘Regrets sans repentir’ (son autobiographie), il raconte : « C’est chez nous que Melvin Van Peebles trouva sa voie. Un soir où il faisait le pitre en imitant son épouse américaine blanche, je le trouvai exceptionnellement drôle. Le lendemain, deux rédacteurs du journal humoristique Hara Kiri vinrent m’offrir de collaborer à leur hebdomadaire. Ça ne m’intéressait pas mais je leur recommandai Melvin qui fit l’affaire et devint célèbre à Paris… »

C’est peu dire que la plume de Melvin van Peebles fit les beaux jours du jeune « bête et méchant » Hara-kiri. Durant cette carrière forte en gueule, Melvin écrira quelques romans. Il collabore aussi à l’édition française du célèbre et combien subversif ‘Mad’ ; adapte pour Wolinski La reine des Pommes en BD (doublant ainsi Picasso qui le premier eut ce projet) et enregistre ce qui parait l’un des tout- premiers albums de ‘Slam’ : ‘Brer Soul. Mais ce que MVP fait le mieux, ça reste des films. Il signe ‘La permission’ (Story of a Three-day Pass), une romance provinciale entre un GI noir et une Française, prétexte à titiller encore la « color ligne » .

Cette gentille fable est déjà depuis Paris même, une fronde au cinéma américain où les rapports de chairs entre Noir et Blanche semblent proscrits (c’est d’ailleurs là un tabou qui est encore d’actualité). Mais même chez les Français la pilule a l’air de mal passer. Chester Himes : « La scène où GI noir étreint une Blanche, leur faisait autant horreur qu’aux pires abrutis du Sud des Etats Unis. Ce film déplaisait tout autant aux africains. Je n’ai jamais compris pourquoi. Néanmoins Melvin était en bonne voie car la plupart des Françaises défendaient son film. » Et de conclure : « S’imaginer à la Place de son héroïne (Nicole Berger) dans les bras d’un costaud noir les excitait… » On échappe à peine au scandale. Mais même si la réception publique est mitigée, on ne peut nier de vraies qualités plastiques à ‘ La permission ‘ (pourtant un des films le plus sobres que Melvin n’ait jamais tourné). Contre toute attente, l’œuvre est sélectionnée en 1967 pour représenter la France au Festival de San Francisco.

« Burn, Hollywood, burn !»

C’est ce que lançait Public Enemy dans les années 90. Un lointain écho aux « Burn, baby, burn ! » qui retentissaient dans les quartiers noirs pendant les émeutes de Watts en 1965. « Baby » c’est la société américaine violente et ségrégationniste à laquelle la révolte noire promet le feu. Depuis son exil, les clameurs et l’écho lui viennent que les quartiers brûlent et que désormais des hommes noirs, en blouson et béret noirs, patrouillent dans les rues y interdisant les exactions policières.

Ces héros en dissension qui vont directement inspirer les personnages du cinéma dont il est (sans encore le savoir) le futur grand -père ; arborent dit-on, un badge flanqué d’un félin noir. Melvin van Peebles veut être de cette révolution.

Quand le cinéma le ramène aux US en 1967, il est bien décidé à faire une mémoire à ces temps troubles. ‘La permission’ est primée au festival de San Francisco. Hollywood se prend d’un soudain intérêt pour le Négro que les Frenchies ont adopté.

Quand la pression des mouvements pour les droits civiques, au relais des Panthers, atteint son paroxysme, que le crachat devint le même pour tous les visages du racisme officiel et que de partout de nouvelles sympathies lui naissent (on pourrait parler de celle de Marlon Brando), Hollywood indexée, décide d’anticiper sur le Public Enemy et de désamorcer la situation en faisant une ouverture symbolique sur ce monde noir menaçant d’ébranler le statu quo.

Les studios annoncent qu’ils ouvriront, pour l’exemple, leur porte à trois réalisateurs noirs (l’idée étant bien sûr l’idée de la refermer aussitôt après ceux-ci), pour un ensemble de trois films sur le racisme. MVP est du casting, aux côtés de Gordon Park (La colline des potences et plus tard Shaft ) et Michael Schultz ( Car Wash ).

Mais Melvin n’est pas dupe de la mascarade. Il livre ‘Watermelon Man’, (22 jours de tournage), la comédie bouffonne d’un Blanc qui se réveille dans la peau d’un Noir. Le film a du succès. Hollywood qui découvre la manne que représente ce cinéma fait par des Noirs, place Melvin sous contrat pour trois nouveaux films… Ce qui lui assurait une belle carrière pour peu qu’il resta dans le moule.

MVP ne collaborera plus jamais avec les Majors. Avec les $50000 que lui ont rapportés ‘Watermelon’ , $50000 autres taxés à Bill Cosby et d’autres fonds levés en France, il se lance fin 1970, dans la production de ‘ Sweet Sweetback’s Baadasssss Song’, l’histoire d’un Nègre traqué par la police et que cela même mène à une certaine conscience politique. C’est le « pied dans la porte » (Archie Sheep) ; tourné en 19 jours, la vengeance que MVP rumine depuis toujours, contre Hollywood, l’hypocrisie et le capital, contre le racisme et les bavures policières, contre Sydney Poitier et son image de gentil Noir qui seule faisait autorité sur grand écran et imprégnait les imaginaires.

Une mauvaise fièvre qui lui remonte de bien loin. ‘SSBS’ est un film difficile, déroutant. Mal tourné, volontairement raté. Un cinéma psychédélique, sans économie de cris de sexe et de coups, qui donne mal à la tête et dit l’imminence de la révolution. Fabriqué à100% hors du système (Melvin est producteur, scénariste, réalisateur, acteur, distributeur de son film) et dans le pur esprit de l’esthétique Woodstock, c’est un véritable hymne à la liberté de par le discours, le ton et dans la narration. Le film est « classé X » à sa sortie et interdit dans plusieurs salles. Huey Newton lance un appel à soutenir l’œuvre qui d’emblé se trouvera taxée de manifeste du BPP. Melvin voulait faire « un film victorieux, un film dont les Noirs pourraient sortir la tête haute au lieu de s’éviter du regard. » Le pari est réussi. L’adhésion est massive et populaire (N°1 au Box Office). La complexité de l’univers esthétique ne décourage pas le public qui semble s’y retrouver, preuve que Melvin connait bien son peuple.

Réinventant l’indépendance du cinéma et l’indépendance au cinéma le turbulent réalisateur par ce pied de nez à Hollywood, fait une brèche, et permis qu’on prenne au sérieux de nombreux jeunes réalisateurs comme Spike Lee. Ce dernier se souviendra de la leçon quand il se trouvera en but aux réticences dans son projet de porter Malcom X à l’écran.

Quelques tentatives au théâtre, et d’autres films suivront, dans la même veine esthétique et avec le même mauvais sang, mais comme Melvin l’a lui-même prophétisé : « Il n’y aura jamais un second film comme ‘Sweet Sweetback’s’.» Un autre ovni à signaler cependant dans sa filmographie : le fameux ‘Classified X’ (1995) en collaboration avec Mark Daniels et produit par la chaine ARTE. Une histoire de la représentation des Noirs dans le cinéma américain, racontée par et à la manière Van Peebles et dont le bilan est cinglant. Il n’y a, et jusqu’à aujourd’hui encore, jamais eu de production de vérité sur l’américain noir.

Un regard sans concession qui nous rappelle que la réaction domine dans l’industrie du cinéma et que cantonnés dans les figures de black de service, l’entertainer ou le vieux sage suintant le jazz et l’alcool fort, le confident ou le meilleur ami du héros, la méchante brute ou le chef de police borné, le lieutenant dévoué et sans aucun retour sur les choses, le petit voyou ou l’enfant à sauver d’un immeuble en flammes, il n’y a guère d’occasions et de territoires d’expression humaine et d’humanité pour la femmes et l’homme de couleur. Nabe tapait un coup de sang que sa « divine » Billie Holiday se trouva réduite à un rôle de bonniche dans ‘New Orléans’(1946), on pouvait regretter qu’en 2008, Alicia Keys— fusse effacée derrière Scarlett Johansson.

J’en ai parlé avec Melvin; Le regard eut été moins blanc que ces dames auraient au cinéma des rôles à leur dimension. C’est cette parole que MVP entend porter haut quand il se fait cette sorte de Méphistophélès attaché à aiguillonner les consciences en relâche face aux mystifications d’Hollywood.

Lorsqu’en 2002 ; Halle Berry et Denzel Washington remportent leur oscar et qu’à l’unisson on chante l’heure de la reconnaissance des Noirs au cinéma, il déclare : «Au fond, ils doivent leur Oscar aux Taliban. Quand les Américains sont en difficulté, tout à coup nous sommes tous des Américains en quelque sorte.”

Melvin est par moment stoïque, taciturne même. Têtu. dont les choix ne se discutent pas. Son indépendance est radicale. Il ira jusqu’à concevoir lui même la musique de ‘SSBS’ en compagnie de quelques parfaits inconnus (les futur Earth Wind & Fire dont on peut considérer que la BO de ‘SSBS’ est le premier album).

Quand on le présente comme un des pères du Hip-hop, au même titre que Scott Heron et les Last Poets, il boude à peine le compliment. Et pour peu qu’il soit en verve, il se verrait en inventeur des Spokenwords, ancêtre du rap.

Combien savent que dans les années 80, l’ex-officier de l’armée de l’air, conducteur de bomabardier et de tramway, écrivain-mathématicien-musicien-cinéaste, s’est fait Trader à Wall Street — (il sera, encore un record, le premier Noir à tenir un siège sur l’American Stock Exchange) — et publié ‘Bold Money’ (A New Way to Play the Options Market), un best-seller d’érudition qui démystifie les mécanismes de la bourse…

Au palmarès de Melvin Van Peebles il y a un Tonnys, un Emmys, un Grammys Award et une élévation en 2001au rang de Chevalier de la légion d’Honneur. Aucune distinction ne réussit cependant, à entraver sa liberté de pensée. Authentique marginal publique. Cela va jusque dans une réticence à se livrer en interview. Passablement lâche, furieusement marron, il est son personnage Sweettback.

Mais s’il n’éprouve pas le besoin de trop s’expliquer, c’est surtout qu’il sait que nous sommes dans un monde où selon le mot d’Artaud, nommer les choses, c’est les tuer ! Et cela même, est l’histoire de Blaxploitation. Mieux vaut vivre les choses.

J’avais mon moment. je pouvais brûler le prétexte.

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