Le glas de haleurs : ou cheminer demain sans valeur de guide

DÉCOLONISER LE FUTUR. CARNETS DE CONFINEMENT, feuillet #22

Pour envisager d’explorer ce moment passionnant dans lequel par les technologies, nous sommes plongés, l’autre possible entrée, directement générée par la première, c’est cette observation que les jeunes générations d’aujourd’hui sont les premières dans l’histoire à en savoir plus que celles qui en ont la charge : les enfants plus instruits des choses, plus expérimentés sur l’essentiel du pratique que leurs parents en somme. Les cycles fous, la culture du nouveau et la logique de l’importance du dernier sur tout ce qui à précédé sonne la fin du du poids de l’expérience. Effectivement n’importe quel adolescent aujourd’hui maitrise plus parfaitement les subtilités de ce monde que n’importe quel personne mature de plus de 50 ans. Et donc les vieux aujourd’hui sont comme des enfants lâchés dans une sorte de forêt amazonienne face à toute la complexité actuelle du monde quand les vrais enfants anthropologiques et physiques eux naviguent complètement à l’aise. Parfait étranger au monde dès lors qu’on a raté un coche des cycles techniques actuel lors que tant que dans le bain naturellement du vertigineux : natif ! C’est un singulier chamboulement de sens dans l’ordre tel que conceptualisé dans le dispositif rituel de l’initiation : novice/ autochtone VS officiant/ halogène.

Quelquechose premier de la structure sociale casse ainsi sous le poids du technique devenu déterminent, prééminent et unique rythme du monde. Cela pose de vrais questionnements à la fois anthropologiques, sociologiques et même philosophiques dont par exemple sur le sens du respect.

Le respect c’est du commerce en vrai. C’est parce que le parent, votre papa est capable de vous amener en brousse et de vous désigner quelle herbe guérit telle maladie que vous le payez en retour de respect. Et donc en fait, on respecte pour la capacité qu’il a de transmettre et de nous guider dans la vie. Quand cette capacité de transmission n’existe plus, est ce que le respect est encore dû ? D’autres notions structurant de l’ordre traditionnel, ébranlées dans leur racines peuvent être évoquées dont : la responsabilité.

Aussi quand Amadou Hampate Ba dit qu’en Afrique un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle, il faut l’entendre doublement qu’il y a un corpus immense du savoir dont ils sont maîtres mis aussi que la culture livresque n’a pas renversé cela. Or les technologies de l’information et de la communication ne procèdent pas comme le livre dont la disponibilité ne suffit pas à renverser la valeur du vieillard. Elles, les technologies par leur cycle vertigineux insinuent une discrimination générationnelle plus profonde dans leur accès; ensuite l’ouverture extrême en gouffre qu’elles semblent faire sur le savoir …

Ce glas de guides et la violence qui est faites aux générations actuelles de repenser l’ordre de la valeur est une ligne dure qui traversera les mondes à venir tels que définis par la constance de changements produit par la relative instabilité du technique. Or donc quand on est ainsi plus adulte à 16 ans aujourd’hui qu’à 77 que faire du sens du respect ? Et donc quel est le destin des nouvelles générations et de celles qui vont suivre qui ne sont plus capables d’être prises par la main ? Restera -t-il un manque à se trouver guider ? Un résidu plus prégnant de l’absence générale de repères qui aurait quelque chose à avoir avoir avec le fait que la figure de l’officiant aurait disparu. Faudra-t-il qu’elles compensent ce manque en s’en remettant à des dispositifs artificiels et donc au bon sens de la machine et de l’algorithme ? Computer un peu plus dans le sens de la valeur ? Compter sur un supplément d’intelligence qui viendrait de dispositifs artificiels est -il le recours des nouvelles générations ?

Pour une génération qui ne pouvant s’appuyer sur aucune expérience, doit produire des référents de zéro, disposer d’une sonde pour zigzaguer ces récifs de challenges technologiques est vital. Cette crise est plus grave pour le contexte africain où ce qu’ailleurs nous pouvons continuer à appeler est ici pris en charge parce quelque chose de plus de valeur que nommera la sagesse. Ce sera donc en définitif, pour l’Afrique et ces nouvelles générations, à transiter: une crise de la sagesse. Cette chose qui se distingue de la connaissance et n’est pas qu’un savoir à transmettre est enchâssée dans une socio- culture qui intègre l’importance mise dans l’acte, le devoir et la qualité de transmettre. Il n’y aura bientôt plus un seul “sage” et c’est ainsi une pierre d’angle de la société africaine qui s’affaissera.

La fin du Temps généalogique oblige ainsi plus l’Afrique dans le devoir d’inventer de nouvelles « comptabilités ». La chaîne de transmission, l’objet de transmission, le cadre etc collaborent à une communauté politique où l’individu est situé. Dans le monde devenant plat avec la disparition donc de la possibilité de faire pyramide humaine où les générations entre elles n’auront plus prise, l’ordre de transmission qui nous transcende : « qui reçoit doit » ; cette éthique là n’est -elle pas condamnée? Comment faire monde désormais sans comptabilité, sans possibilité de situer chacun dans un ordre social ?

Le commerce et sa comptabilité (panopticon) nous rappellent que nous devons faire corps. Cela fait lien. Et nous participons en ce qu’en tout nous posons la question : A qui devons nous ? La culture de l’obligation de se situer comptablement nous prescrit une morale. Le sens de redevabilité et de responsabilité font un. Et notre être dans cette cosmologie fait foi.

Il y a là donc là, dans ce : se sentir un devoir, un objet technique. Une table, on peut en changer l’imaginaire et l’usage sans toucher à l’idée de la table. C’est une question de design. Comment garder le sens du : “je dois à” double dans une configuration autre où l’imaginaire ancien (Mon père en sait plus que moi) décline ?

Se peut-il accoucher d’un « devant à… » fictif. On peut prendre là dessus des choses à la fois à la société de tradition et… à l’éthique hacker. Et si c’est le technique qui nous fait cette violence, il peut aussi offrir les moyens de ce nouvel imaginaire. Mais nous ne pourrions, africains, supporter le statut clos du glas.

Les aînés pour compenser des carences semblables à certaines époques se sont tournés vers le bon sens de la nature. En vrai si le réflexe est de s’en remettre à l’école de la nature dans une crise de culture c’est que le dernier est organiquement modélisé sur le principe du premier. C’est ce que nous appelons ici la structure. Mais déjà quelquefois une certaine méfiance émergeait face à une nature conceptualisée un peu sournoise (et nourrissant la moindre occasion de circonscrire les tentations à la démesure le race humaine). Ainsi dans le poème de Shelley ou le désert renverse l’œuvre de Ramsès II pour le remettre à sa vrai mesure.

Méfiants donc envers une nature qui si elle est sous estimée pouvait prendre le pouvoir sur l’humanité. Bienheureuse purification…? Or ainsi qu’on le postulera ici par la suite, le technique à l’ère du digital et la nature sont déjà inextricables. Il s’agit donc seulement considérer que mobiliser la technique et la nature c’est un. En vrai donc, comme nous l’avons déjà suggéré, de l’univers à la complexité du social, par le relais du biologique, tout procède du même rythme.

La double complication imbriquée des temps-ci : instabilité de repère et crise de guide, à gérer des générations nouvelles et futures aura on l’aura compris des accents autrement plus aigus sur le continent du fait de la permanence de ses ressorts anthropologiques. C’est sans compter le fait qu’elle accueillera la jeunesse la plus nombreuse.

Déjà victime de la vaste trahison de ses dirigeants qui, Kako Nubukpo en fait l’analyse, collaborent à faire du continent un laboratoire du néolibéralisme, ne rendent compte “qu’à leurs maîtres occidentaux”, désormais ne pouvant plus fonder sur l’expérience des aînés pour ce que le monde s’accélère, la jeunesse africaine du boom démographique est à la croisée des chemins. Elle fera les frais et deviendra le nouvel artisan- par la viralité nouvelle du libéral que permettent ces devices qu’il s’est approprié avec une extraordinaire rapidité — du projet d’un “continent cobaye” ou elle trouvera les ressources de réinventer le réel. Expulsés presque complètement hors la structuration sociale pour une réalité post urbaine en voie de systématisation, en proue de laquelle nos grandes centres actuels en train de se reconfigurer par l’agglutination tel insectes à la lumière, de toute la force vive en recherche moins de de cohérence économique que d’éblouissement.

Partout, plus nombreuse elle est plus ces structurations étonnent par le capacité à organiser une réalité. cela on doit saisir qu’on le doit à un équilibre qui s’est toujours atteint entre le “moderne” et l’informel”. Mais de moins en moins elle paraît capable d’être raisonné, de résonner dès lors qu’elle est connectée ! Parmi ce qui passe à la trappe, il faut citer l’obligation. Et il se peut s’amorcer un virage à une génération d’enfants gâtés (aucune obligation, que des droits). Et la démographie peut confiner, et conduire à une contiguïté et à ce qu’on ne dispose plus des espaces de la respiration, du rêve, du questionnement des choses. Que l’arrogance d’une situation de pouvoir sur l’expérience, qui acte définitivement la fin de l’Afrique de la sagesse, en vient à nous fixer. Que les choses nous viennent désormais avec l’assurance de leur droit, fonde un âge de la prétention. Le syndrome ‘Gretta’ n’est pas le seul écueil de cette pente et analyser un “OK Boomer” ne suffira pas à épuiser sa complexité.

Ainsi, paradoxalement, l’incroyable dynamisme des flux, le tourbillon d’innovations, l’accélération en somme des paysages fabuleux que nous propose l’âge digital à la traversée contiennent le germe d’un rétrécissement. Menace à laquelle la jeunesse d’abord serait exposée. Cette réduction des potentialités du réel, dans les circonstances d’une irréalité excissement dopée est une façon de fatalité; carrefour de tous les raccourcis conceptuels futur et à la source de ce qui procédera demain du médiocre par l’énergie muette.

Or donc la modernité cybertechnique coupe de plus en plus du bon sens d’un contact du pied nu sur la terre. Les installations procèdent pareillement par abêtissement à mesure de leur sophistication. Aussi, plus la ville est grande, plus elle est « moderne » moins la jeunesse y paraît épanouie intellectuellement : on semble s’y trouver singulièrement poreux à tout delirium, toute mystification. C’est l’effet masse.