La quarantaine de chacun. Société numérique & Capitalisme du dégagement !
DÉCOLONISER LE FUTUR. CARNETS DE CONFINEMENT, feuillet #13.
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Que vous l’ayez cocon ou précaire, votre cloître, en un petit lieu avec un trop plein de présence ou dans un trop grand espace avec beaucoup de solitude, il est acquis pour l’époque, que cela ne serait un fardeau réellement que si vous étiez privé de communication et d’interactions virtuelles. « Tant qu’il y a internet, cela va encore ! » On y va ainsi qu’ à de l’inspiration bonne en temps apocalyptique de pénurie et de trafic d’air pur !
Il y a ainsi des clôtures dont nous avons appris à ne plus nous passer. Par là aussi il y a assignation : en ce moyen de dispositifs de l’addiction savamment élaborés et prescrits dont l’objectif est l’isolement et l’effet qu’on se trouve fixé virtuellement (même mobile donc), inscrit dans la formidable nouvelle machine de la surveillance.
Ces mécanismes subtils des R&D par lesquels sont réalisés : la fausse réalité, la fausse liberté, la fausse détermination, etc. sont d’abord la marque d’environnements d’exploitation de la virtualité directement greffés sur une production du capital dont le commun n’a pas conscience. Dans ce rapport de force oblitéré où se trouve de la tutelle est nichée la possibilité d’une forme finale de colonialité. L’opinion elle même est colonisée dans les circonstances d’une distorsion du réel dont nous n’avons plus l’expérience apaisée mais organisée par la logique algorithmique.
Par là donc, nous étions individuellement déjà en quarantaine avant que n’advienne le confinement.
C’est encore ce premier enfermement, ce qui empêche d’atteindre le vrai potentiel de l’actuelle dans la situation de la menace virologique. Un potentiel dans le soin notamment (de nous, des autres) et le retour d’un réel sur lequel ouvrir ou lever les yeux. On pourrait d’ailleurs questionner si le confinement est épanouissant intellectuellement et si le corps en cage, l’esprit déborde. On découvrirait dans la situation actuelle le ronron assourdissant de ce dernier. C’est l’œuvre du technique et des canaux de l’autre quarantaine. C’est aussi par ce biais que nous ne sommes pas souverains à l’intérieur même de notre confinement.
Devenue écranique, la civilisation capitaliste distribue ainsi sa névrose. La quarantaine de partout, de toute circonstance ou condition, celle de chacun par lequel il se met sous l’ « œil du pouvoir » est paradoxalement l’étalon du degré d’ouverture de notre époque. Traduit par l’appétence à des devices dont la singularité est qu’ils sont le même moyen d’exploiter et de surveiller ! C’est, cette démocratie de la névrose, le potentiel d’une société du contrôle généralisé et volontaire, que Foucault n’aurait pu imaginer.
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Fin du capitalisme de la productivité. L’extractivisme dernier.
Il y a, une mutation structurelle du capitalisme par un mouvement vers la réalisation radicale de son projet d’individualisation. La conjecture du cloître pourrait singulièrement y trouver une position stratégique.
En effet, à la faveur de l’escalade technologique, ses effets d’automatisation et de nouvelles modalités extractives (de la donnée), la reproduction du capital s’émancipe de plus en plus du travail humain. Il y a là une source de la mitigation observée dans la séquence récente en France du poids de la grève. Cette corrélation autorise l’autorité à abuser du dégagement et se montrer sourd au mouvement social tant que celui-ci n’entend perturber que le travail et non la consommation. (Un cercle vicieux est ouvert dans lequel se trouve prise la grogne de classe puisque la grève elle même par la contrainte qu’elle pose, en choc retour, sert la débridation plus avant désormais du processus de l’automatisation de tout et fournit les arguments de la surdité nouvelle de l’autorité). Il n’y a plus pour acculer le prolétaire, une armée de réserve au capitalisme devenu global cette arme la révolution digitale dont il découvre par à-coup le potentiel infini.
Le travail productif n’est plus nécessaire au libéralisme et la quarantaine choisie lui devient essentiel. On peut même dire que c’est directement l’effet de la commodisation de la force de travail que la sublimation de la quarantaine. Elle ménage la consommation, toujours fondamentale; laquelle on ne somme que de muter à son tour vers les circuits ubériques monopolistiques. Produire, consommer et être surveillé par un geste unique inattendûment atteint, capital et pouvoir à l’unisson crieraient « Alleluia ! » L’état d’exception des corps biologiques ségrégués modélise cela. (Un certain hygiénisme et l’imperfection du biologique agitent pareillement le cœur de la pensée transhumaniste. J’y reviendrai).
Il est d’essence au nouveau capitalisme, un déplacement des masses vers l’intérieur. Il boucle avec l’imaginaire orwellien et tout le scénario de science fiction d’une quasi- culture d’hommes en grappes, encagés, quand il y a dégagement de la rue pour le déplacement exclusif du machinique affecté à son contrôle.
Or on vu à Wuhan des drones se présenter au balcon pour prendre la température de confinés !
Quel sort cette division spatiale faisant droit au machinique ferait parmi les espaces anciennement du public, aux territoires consacrés de l’ancien capitalisme ? Les jeux du cirque sont en cause. Il faut observer les industries du spectacle (angulaire dans l’architecture du contrôle) en confinement et déceler comment sommés de se renouveler ils intègrent et innoveront au sein du nouvel évangile. Il faut gager que nous irons à l’âge ultime du spectacle donné en marchandise et que la « machinerie spectaculaire » de Debord prendra tout son sens.
Mais jusqu’ici il y a toujours mouvement. De l’extérieur vers l’intérieur par le dégagement et de nous vers les devices de notre enfermement. La quarantaine de chacun est dernier conceptuellement mais n’est pas final par le moyen du smartphone et du PC; puisqu’elle alimente l’extorsion de la plus-value idéalement uniquement par notre « mouvement » et le choix d’être sur les réseaux sociaux. Cette ‘’activité’’ et le libre arbitre sont encore une contrainte au couple Pouvoir-Marché.
Avec 50 Milliards d’objets connecté déployés d’ici 2050, il y a nouveau pipeline de la donnée ! Les plateformes l’ont compris au milieu de la décennie qui ont toutes orienté leurs acquisitions stratégiques vers ce domaine (Pour facebook seul entre 2012 et 2014: les drones Aquilla, Les casques de VR Oculus, Nascent Object etc).
C’est là, par les environnement intelligents jusqu’au relai de bracelets biométriques et autres puces rfid, la possibilité passive du produire-consommer-être surveillé.
La crise actuelle a ouvert la voie en Russie à l’exploitation de dispositifs de « surveillance sous-cutanée » pour le contrôle de la température et le déplacement des « positifs ».
Cet colonat, l’impérialisme dont nous traitons, je ne sais s’il est au futur seulement ou s’il s’y confond. Il est l’aboutissement envisagé en cul de sac d’un double processus : celui par lequel le libéralisme se trouvant las de l’effort de transformer les Etats en entreprises accède à la conscience qu’elle peut tout aussi bien désormais et plus vite en somme, transformer les entreprises en Etats. Et celui concomitant par lequel la technique cesse de voir dans le social le parangon au service duquel se mettre mais s’envisage dorénavant en pis-aller valable à celui-ci. Cette double arrogance en concrétisation, nourrie d’un pouvoir perçu sans limite aux technosciences du digital et à leur réticularité, est cristallisé du côté de la ville.
La pandémie dans ses fonctions ségrégatives franches ouvre là aussi un champs extrêmement subtil d’analyses de la relation humain machinique.
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